Pourquoi je suis là ?
Dans mon objectif Diagonale des fous 2020, le GRP est une étape obligatoire.
Loin du côté bling-bling de l'UTMB, la simplicité de l'organisation, la rudesse du parcours et la gentillesse des gens qu'on m'a annoncée m'ont convaincu.
Une course humaine, à taille humaine : tout ce que j'aime !
Parcours
Les jours qui précèdent.
Nous débarquons à Vielle-Aure le lundi 22/08/2016.
Ma course est dans 4 jours, départ vendredi à 06h00.
La pression monte sitôt arrivé dans le village. Les signes de gastro de ce début de semaine sont purement d'ordre psychologique. J'ai beau le savoir, on est jamais aussi mal que les jours précédents les grands rendez-vous, à l'écoute du moindre signe d'alerte.
Vendredi 26/08/2016
La nuit a été bonne, les petites pilules que je prends depuis quelques jours y étant pour beaucoup je pense.
06h00.
Titia vient avec moi au départ de la navette sur le parking d'Intermarché.
Le trajet vers Piau-Engaly dure une bonne demi-heure, mais il est horrible : il fait chaud dans ce bus, les virages s'enchainent, j'ai la gerbe.
Arrivé sur place, je me précipite aux toilettes avant le grand rush, avant de me poser dans une salle dans l'attente du départ.
08h30. Départ.
CP0 - Piau Engaly 26/08 08:30:00
Dernier encouragement de Fred avant de démarrer, qui me demande de ne pas trainer à faire 50000 photos.
"Mais traines pas à faire 50000 photos ;-)" Promis FRED !!! |
Je démarre très doucement. D'entrée de jeu, l'émotion me gagne. Je rêve de cette course depuis des années, et ça y est, j'y suis. Je suis prêt, tous les feux sont au vert. Je pars pour un nouveau type d'aventure pour moi : courir plus de 24 heures, donc une nuit entière, et ça, c'est la grande inconnue.
Les premiers kilomètres ont pour seul objectif d'étirer le peloton : il s'agit d'une boucle en montée-descente sur chemin large pour repasser par le point de départ 8km plus loin.
Il fait déjà chaud, et la gestion de ce paramètre sera un élément capital dans la réussite de ma course.
Arrivé au sommet de la première montée au bout d'une heure, j'entends les speakers en bas qui acclament déjà les premiers à repasser par le point de départ. J'y passerai 1/2 heure plus tard, les écarts sont déjà énormes !
Je termine cette première boucle vers la 360ème place : j'envoie de suite un SMS à Titia pour la rassurer, rien ne va mal, je gère tranquillou...
CP1 - Piau Engaly 26/08 10:03:59
CP1 > CP2
Je repars à l'assaut des montagnes, et les premiers paysages sympas commencent à défiler, sous mes yeux, et sous mes petons. Les ruisseaux, les singles techniques, la caillasse, les vaches, les cascades, je suis sur le GRP, c'est le pied total.
Je grappille doucement des places, et je prends mon rythme de croisière. Quelques photos à l'aide de ma caméra accrochée à mon bâton, j'en profite à donf'.
La montée jusqu'au sommet à 2600m d'altitude au km16 se fait sans encombre.
S'ensuit une descente de 9 km vers le prochain ravito.
La première partie de la descente est technique, et très rapidement, je perds des places grappillées dans la montée. La raison en est simple : mes chevilles ont une fâcheuse tendance à partir en cacahuète, mes tendons ressemblant plus à du chewing-gum qu'à une corde de guitare, je marche très lentement en descente, alors que les plus agiles passent en courant.
Dire que ça ne m'agace pas serait mentir, mais ça me permet d'économiser mes cuissots, je le vis donc pas si mal que ça !
La seconde partie de la descente est plus roulante : bah du coup, je repasse !
Je constate quand même au passage, alors que je suis encore frais comme un gardon après 4 heures de course, que certains commencent à donner des signes de faiblesse. Pas rassurant pour eux.
J'arrive à Gèdre après 04h25 d'effort. C'est le moment de refaire les pleins des bidons, et de la poche à eau, à peine entamée.
CP2 - Gèdre 26/08 12:55:33
CP2 > CP3
Nous sommes au km25. La montée vers la Hourquette D'Alans au km 39 se fait en 3 temps.
Temps 1 : Montée dans les sous-bois. Km25 > Km28
Un peu d'ombre. Je ressors du ravito gonflé à bloc, et à peine la montée entamée, je commence à ramasser les morts. Des coureurs qui n'avancent plus, arrêtés sur le côté, essoufflés. La chaleur fait ses premiers gros dégats. Je monte vite dans cette partie bien raide, et l'absence de cagnard y est pour beaucoup.
Temps 2 : Un peu de plat. Km28 > Km31
Nous rejoignons le lac de Hount de Clouzet, le longeons et traversons un espace protégé.
Temps 3 : Montée vers le sommet. Km31 > Km39
Des coureurs que j'avais pourtant doublé à l'ombre me rattrapent en entamant les premiers lacets de la montée. J'ai l'impression d'aller pas trop mal, mais le fait est là : je vais moins vite que les autres. Donc, forcément, ça rumine intérieurement. Mes pauses sont de plus en plus régulières, le cardio monte et la montée devient interminable. 35 bornes de course dans les pattes,et je suis déjà dans le dur. Le doute me gagne : mais qu'est-ce qui se passe bordel !? Et les coureurs qui continuent à me passer, ça me gave ! J'arrive au sommet non sans peine, en apercevant un peu plus bas le prochain ravito.
La descente vers celui-ci, bien que courte me semble interminable. 2 kms dans la caillasse. A marcher sur des œufs. Mais les jambes vont bien, je ne suis pas trop fatigué; j'ai juste chaud, et faim.
Je me pose enfin, et bonne surprise : y'a de la soupe au vermicelle. Trop bon, j'en reprends ! Je prends mon temps pour bien manger, les dernières heures ont été éprouvantes, je dois repartir requinqué.
Et c'est le cas. Direction cirque de Gavarnie :)
Je retrouve des zones ombragées dans la descente, je cours à nouveau. C'est que j'aime bien courir moi. La randonnée ça va bien 5 minutes !
Je finis par rejoindre le fameux cirque vers le km45. Le spectacle est grandiose, rarement vu un spectacle naturel aussi beau. Et là je me dis, "t'as bien fait de venir" !
Je pointe à l'hotel qui fait face à la cascade géante. C'est la fin d'après-midi, je commence à respirer.
CP3 - Hotellerie du Cirque 26/08 17:41:13
CP3 > CP4
Je rejoins le village de Gavarnie après une chute ... sur le plat.
Je suis crade, ma cheville a encore tourné, mais elle tient le choc.
La traversée du village a des airs de tour de France : il y a foule, les gens nous acclament, on a l'impression que personne n'ignore pourquoi nous sommes là et ce que nous faisons, ça rebooste.
Km 50 : ravito.
J'ai soif : et je fais l'erreur de remplir une de mes gourdes avec de l'eau pétillante. C'est bien au ravito l'eau gazeuse, mais quand tu cours, c'est dégueulasse, et ça hydrate pas ! A retenir pour mon prochain périple.
CP4 - Gavarnie 26/08 18:07:54
CP5 > CP6
La sortie de Gavarnie me replonge dans ma bulle. Je parle peu à mes adversaires du jour, quelques mots par ci par là. J'évite de rester trop longtemps en compagnie d'un autre coureur : je veux continuer à courir à mon rythme, je reste concentré, pointilleux sur la prise de boisson et de denrées plus solides.
Une quinzaine de km à courir jusqu'au prochain ravitaillement : sur le papier, rien de bien méchant. Et en effet, les côtes se succèdent mais on peut courir. Je continue à grapiller quelques places, au gré des défaillances des uns et des abandons des autres. Alors que nous sommes dans un petit groupe de 3, le premier rate le virage à droite. Forcement, je fais pareil et c'est quelques centaines de mètre plus loin que, faute de rubalise (faut dire qu'il y en a tous les 50m !), nous décidons de rebrousser chemin.
Juste quelques minutes perdues, mais ça agace. Et les coureurs dépassés il y a 1/2h sont repassés...
Bref, ça me servira de leçon... ou pas....
Dans la descente qui nous mène à Trimbareilles, je me fais rattraper par 3 coureurs : je les accroche histoire de me "forcer" dans le D-. Quelques minutes plus tard, nous sortons les frontales et terminons cette portion dans la nuit noire que je redoutais tant avant le départ, et que j'espère depuis mon coup de chaud de l'après-midi.
J'ai distancé mes compagnons de descente dans les derniers lacets.
Je ravitaille express, en remplissant mes 2 gourdes et ma bouteille de secours. Pas de bol, la bénévole qui remplit ma bouteille jette le bouchon à la poubelle : pas moyen de le retrouver. Heureuresement, une autre bénévole vient à mon secours et trouve un bouchon de substitution : ouf, petit moment de stress effacé !
CP5 - Trimbareilles 26/08 21:40:18
CP5 > CP6
La portion qui s'annonce va me permettre de rejoindre la base de vie : là-bas, je pourrais éventuellement me reposer, me rhabiller (j'y ai fait déposer un sac de rechange) et me goinfrer.
10 km à parcourir, 2 petites bosses : une formalité, 1h30/2h00 grand max !
ça démarre dans les bois, et très rapidement, ça grimpe sévère et je me retrouve seul. Au début, c'est sympa : mais bientôt, à chaque virage je me pose la question : "mais putain, c'est quand qu'on redescend ?". La montée est interminable : les jambes vont bien, je ne suis pas trop fatigué, mais la tête en a marre. La lassitude commence à me gagner, j'ai besoin de soutien. J'échange avec les potes, avec Titia, et certains parviennent tant bien que mal à me remonter le moral. ce qui devait arriver arriva : je me fais à nouveau dépasser. Et la descente n'arrange rien, ça dépasse encore plus.
A peine arrivé en bas, ça regrimpe : et rebelote, c'est sans fin. En plus, la rubalise est très espacée par endroits, et je stresse de rater un virage. Dans la descente tant espérée, j'ai le malheur d'envoyer "ras le bol" à Titia. Elle m'appelle aussi sec pour me rebooster : pas de bol, pile-poil au moment d'une bifurcation, que je rate, et qui m'impose quelques centaines de metres supplémentaires en descente... puis en montée.
J'arrive à Luz-St-Sauveur après près de 3 heures depuis le dernier ravito, j'ai besoin de me poser.
CP6 - Luz St Sauveur Entrée 27/08 00:32:36
CP6 : Pause
Km 75.
Des lits sont installés dans une grande pièce.
Je décide de ne même pas les regarder.
Je prends une soupe et des pates, tout ça servi en même temps dans un seul et unique bol. m'en fout, ça passe bien.
Je me change entièrement, renoke mes pieds, et ne garde que mes chaussures.
Je m'allège de quelques trucs inutiles, me colle un pansement dans le dos, mon sac m'ayant bien cramé les hanches.
Je pense être resté 15-20mn : finalement, je repars après 40mn de glandage.
CP6 -Luz St Sauveur Sortie 27/08 01:11:08
CP6 > CP7
Je ressors 63ème du CP.
Trop cool, une place dans le top 50 est toujours envisageable.
Je suis reglonflé à bloc, du 12 bars. Va juste falloir faire gaffe à éviter l'explosion.
5 minutes après, j'ai déjà gagné 2 places.
Je traverse la ville d'un bon pas. Alternant marche et course. Le ciel est clair, il me reste un marathon à parcourir, une broutille !
12 km jusqu'au prochain CP, en montée avec 2-3 descentes. Je sens que j'ai une pêche d'enfer, je remonte doucement quelques conccurents. Cette partie de la course, alternant routes, singles et sentiers larges n'est pas la plus passionnante, mais je me sens bien. Et elle me permet de relancer dès que le % de pente diminue : ça réchauffe.
J'arrive à Tournaboup après une longue descente sur route, après avoir laché un compagnon de course. Je suis au taquet !
CP7 - Tournaboup Entrée 27/08 03:26:22
CP7 : Pause Express
Les quelques coureurs assis me regardent médusés. J'arrive et repars comme une balle. Encore quelques place grignotées.
Plus que 30 bornes !
CP7 - Tournaboup Sortie 27/08 03:30:45
CP7 > CP8
Les 8 km qui viennent sont ceux que je redoute le plus depuis le départ. La dernière grosse montée. Environ 1000D+ à gravir d'une traite.
Rapidement, j'aperçois des loupiotes au loin et je me mets en tête de les rattraper.
C'est une fille blessée au genou (mais avec un mental d'acier !) que je rejoins après quelques km. Elle hésitait à abandonner à la base de vie : elle est repartie.
Elle a du mal à grimper. Elle s'accroche derrière moi. Dès que ça descend, elle se rapproche.
Je sors du ravito de la cabane d'Aygues Cluses au km93 : elle y arrive juste.
Les 2 derniers Kms jusqu'au sommet de Hourquette Nère sont très hard. Je touche au but à 06h10 du matin.
Je demande aux 2 bénévoles là-haut de me confirmer que je suis bien au sommet : la fille me confirme, check !
Je reconnais aussitôt la voix du gars : il s'agit de Laurent, notre moniteur de Trotinette des montagnes d'il y a 3 jours. Il m'avait dit qu'il serait présent là jusque 07h30, et m'avait promis une digestif si je passais dans les temps : chose promise, il sort de son sac une fiole de cognac, que j'engloutis à moitié.
Rien ne m'a jamais autant réchauffé le corps intérieurement que ces quelques cls d'alcool ingurgités après près de 22 heures de course, et c'est requinqué que j'entame ce qui me semble être une formalité, les 20 derniers kms jusque Vielle Aure.
CP8 - Hourquette Nère 27/08 06:10:00
CP8 > CP9
Sauf que, l’alcool aidant, je me déconcentre. Le plus dur est fait, je sais que je vais finir. Bref, alors que je regardais devant depuis le début, je commence à regarder derrière.
Et ça ne rate pas, la fille au genou douloureux revient ! J'espace les ravitos, voire en zappe carrément un ou deux.
Ce qui semble être la promenade du dimanche pour rejoindre le prochain CP s'avère être une succession de montées-descentes hyper casses-pattes, dans des chemins très techniques.
Je finis par me fatiguer, me lasser, et inexorablement, la douleur dans les cuisses monte.
Je ne cours quasiment plus quand je rejoins le CP : j'ai mis 2h20 pour faire 9km, j'ai les jambes en feu.
Une bénévole me remonte le moral : elle me dit que c'est dans la tête. Je ne demande qu'à la croire, mais là, je n'y arrive pas !
CP9 - Restaurant Merlans 27/08 08:31:04
CP9 > Arrivée
Cette dernière petite montée sur une piste de ski est longue, très longue. Je croise les derniers coureurs du 80km qui sont partis quelques heures plus tôt. Ils n'en sont qu'à 13km, et déjà les visages sont marqués.
Qui doit encourager qui ? Eux ou moi ?
Même plus la force, à peine si je croise leur regard.
La descente finale démarre en piste rouge : 5,6, 7.. coureurs passent. Je ne peux plus courir. Trop de pente. Mes jambes sont tétanisées.
J'appelle Titia. Je gueule, en rage de lâcher si près du but.
Fred trouve les mots pour me relancer : le classement, on s'en bat les burnes, faut que je finisse pour moi.
La pente devient moins raide, je décide de serrer les dents et de courir à nouveau. Plus personne ne passera. J'ai pas fait 100 bornes pour lacher si près du but.
Les cuisses chauffent, mais la mécanique se remet en route. ça fait mal, mais ça ne m'empêche pas d'avancer. "la douleur n'est qu'une information, la douleur n'est qu'une information, ...".
Je cours lentement, mais je cours. Je veux à tout prix finir sur une bonne note, car je sais très bien qu'après les années, c'est la fin qu'on retient.
A 1km de l'arrivée, Titia et les gars me rejoignent.
Je ralentis pour terminer avec eux, j'étais parti pour finir en trombe :)
Je franchis la ligne après 26h14 de course.
Une deuxième fois pour le photographe qui a raté le saut de crapaud.
Heureux.
Arrivée - Vielle-Aure 27/08 10:44:08
26h14 de course
60ème sur 269 arrivés (environ 200 abandons)
Pour vos soutiens avant et pendant la course, merci à : Titia, Stan, Kléo, François, Fred, Olivier, Thomas, Cyrille, Nico, Laurent, Cyril, Rémi, Gaëlle, Abdou, Christine, Vincent, Cousin, David, Christophe, Fabien, Greg, Sami, .... et j'en oublie surement (désolé !)
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